BroderieLa broderie de Vieux-Fort, appelée "jours", est une tradition familiale, un patrimoine séculaire, transmis de mère en fille.
Auparavant, toutes les jeunes filles bonnes à marier préparaient un trousseau comprenant des draps, chemises de nuit, nappes, serviettes brodés. Les layettes des bébés l'étaient aussi.




 

 

 


SDC11497Les brodeuses utilisent cinq tissus différents : la toile baptiste pur fil, le minicar, le rami, le pur fil de lin et la popeline qu'elles choisissent en fonction de l'ouvrage qu'elles veulent réaliser.







 

 


BroderieElles n'utilisent que du tissu blanc ainsi que des aiguilles spéciales au chas très long. Il faut compter deux semaines de travail pour un corsage en rami, une semaine pour un napperon, trois mois pour une nappe.
 Elles placent leur ouvrage sur un carton de couleur afin d'ajourer le tissu, c'est une particularité qu'on ne trouve nul part ailleurs.



 

 

 


Broderie Elles utilisent une grande quantité de points, certains très anciens, d'autres inventés à Vieux-Fort, comme le croisillon double, la tranche d'orange. Enumérons par exemple certains des points qu'elles utilisent : carreaux-damiers, chardons, croix à bras, croix triple, croix sans bras, croix simple, croix en vigne, éventail, filet rose, jour nouvel, lacet princesse, marguerite, mère poule, papillon, pâquerette, rond et vigne, rosace, rombier, Saint-Martin, Ti marré, Venise, vigne, etc...
 

 

 

 

Quand on leur pose la question : à quand remonte cet art artisanal de la broderie en ce coin de la Guadeloupe ?
Elles ne savent que répondre.
Pourtant certaines hypothèses sont émises : pour certains, les marins vieux fortins rapportaient de la Dominique, Anguille ou Saint-Domingue, des échantillons de dentelle et de mouchoirs ajourés. Leurs femmes s'en seraient inspiré pour commencer à broder et réaliser leurs propres modèles.
Pour d'autres, ce serait un héritage des Bretons installés aux Saintes.
Et enfin, ce pourrait être l'héritage laissé par un groupe de demoiselles arrivé au début de la colonisation.

Le Révérend Père Dutertre nous en parle en ces termes dans son Histoire générale des Antilles :
"Messieurs de la Compagnie s'étaient avisés d'emmener des filles de l'Hôpital Saint-Joseph de Paris aux îles, afin d'y arrêter les habitants qui venaient en chercher en France pour se marier.

Elles y furent conduites cette année-là, en 1643, par Melle La Fayolle, dans le navire du capitaine Boudart, et y arrivèrent pendant que M. Houel était occupé à son nouveau ménage. Il envoya le sieur de Marivet pour amener chez lui la conductrice de ces filles. Elle lui présenta quantité de lettres de la reine et d'autres dames de qualité qui l'éblouirent, aussi il la reçut avec respect, la traita avec autant de civilité qu'une princesse.

Comme il n'avait pas d'appartement pour la loger avec toute cette jeune compagnie, il pria M. Aubert de les loger dans sa maison, mais Melle Aubert, qui était une personne sage et fort réservée, y avait une si grande répugnance qu'elle n'y eut jamais consenti sans les lettres de la reine, elle dut céder.

 M. Houel fit promptement bâtir une grande case proche de son habitation pour y loger Melle de la Fayole avec toutes ses filles; elles s'y installèrent le douze octobre, après y avoir fait transporter leur équipage, qui était peu de chose.
On ne manqua pas d'y aller demander la bienveillance de la Fayolle pour avoir quelques-unes de ses filles en mariage dont la plupart furent assez bien pourvues, les officiers étant trop heureux alors d'en rechercher en mariage."

Lacour nous en dit quelques mots en confirmant l'existence historique de l'hôpital Saint-Joseph, de la venue d'un premier groupe de filles en 1643 puis un deuxième en 1645:
"Il est un fait certain, incontestable, à l'abri de toute discussion, c'est que les jeunes filles conduites à la Guadeloupe par la dame de Lafayolle, comme celles qui y furent envoyées dans la suite, ont été tirées de l'hôpital Saint-joseph.

Qu'était-ce donc que l'hôpital de Saint-Joseph ?
Marie Delpech
, plus connue sous le nom de Mme de L'Etang, avait établi à Bordeaux une maison ou couvent pour les orphelines. Les jeunes personnes qui y étaient admises, en attendant qu'elles fussent d'âge de se marier ou d'embrasser une profession quelconque, étaient instruites dans la lecture, l'écriture, les ouvrages à l'aiguille et autres travaux de la main.
On donnait un soin tout particulier à la religion et aux moeurs.

En peu de temps, cette maison eut un succès si complet et si grand que Marie Delpech fut appelée à Paris pour en établir une semblable. Elle s'y rendit le 11 février 1639, et s'installa d'abord rue du Vieux-Colombier, dans une maison occupée par quelques religieuses venues de Charleville.

Bientôt le nombre de ses élèves, l'obligea d'aller s'établir dans une maison plus vaste, située rue du Pot-de-Fer. Le nombre des élèves augmentant toujours, cette nouvelle maison ne tarda pas à devenir insuffisante.

 Le 3 février 1640, elle acquit rue Saint-Dominique, une maison propre par son étendue à répondre à toutes les exigences. Dans la même année, elle en prit possession, après s'être entourée de toutes les permissions exigées.

L'établissement de Marie Delpech, agrandi encore successivement de sept quartiers de terrain voisin, connu sous le nom de maison de la Providence ou hôpital de Saint-Joseph, subsista jusqu'en 1792"

Il continue : " Cet établissement, oeuvre pieuse et de bienfaisance, était encouragé, secouru, patronné par les plus grandes dames de la ville et de la cour. Cette circonstance explique naturellement ce qui jusqu'ici était resté inexplicable : les lettres de recommandation données à la dame de Lafayolle par des femmes du plus haut parage et par la reine elle-même.

 Loin d'être des prostituées, les jeunes filles conduites à la Guadeloupe, étaient des pensionnaires sortant d'une maison pieuse, d'un couvent.

Toutes les jeunes filles furent recherchées et mariées, soit à des agents de la Compagnie, soit à des officiers de milices, conséquemment aux hommes les mieux posés dans le pays, car à cette époque de guerre continuelle, être officier marquait la naissance ou la richesse. Le colon parvenu à la fortune recevait d'abord des épaulettes, était fait capitaine ou lieutenant d'une compagnie."

D'après Lacour, on sait aussi que le 19 novembre 1645, "sous la conduite d'une dame Journin, on avait fait prendre passage à une certaine quantité de jeunes filles tirées comme les premières, de l'hôpital de Saint-joseph. En arrivant, elles furent remises à la dame de Lafayolle, qui en avait le monopole. De même que leurs compagnes, elles firent dans la colonie des établissements avantageux."

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